2008 — ATELIER PHOTOGRAPHIE – CAMÉRA OSCURA, STÉNOPÉS, CYANOTYPES ET RAYOGRAMMES

Sylvie Fremiot nous raconte l’atelier d’expérimentation photographique qu’elle a mené à la MJC Prévert d’Aix en Provence, avec 12 enfants de 8 à 13 ans, pendant 5 jours en juillet 2008.

  • Type d’atelier :Atelier d’initiation et d’expérimentation photographique.
  • Public : 12 enfants de 8 à 13 ans.
  • Durée : 5 journée en juillet 2008.
  • Restitution proposée : Exposition à la MJC Prévert.

“Ma proposition était que les enfants puissent expérimenter l’image à travers la photographie.
Leur permettre d’aller chercher leurs images intérieures, pour les construire et s’en servir comme d’un langage, tout comme les photographes utilisent l’image pour parler d’eux et de la perception de ce qui les entoure …

Pour cela on a utilisé plusieurs procédés ou techniques. Chaque technique, explorée à travers des ateliers d’une demi-journée, représentait une étape de la fabrication d’une image : la capture de la lumière, la fabrication de la trace de l’image capturée, sa conservation, le cadrage et photomontage, et enfin la mise en scène d’un élément ou sujet dans un paysage.”

La caméra Oscura :

“On a transformé une salle de la MJC en Caméra Oscura. L’image reflétée était la rue d’en face, à l’envers. Les enfants ont alors joué avec cette image géante en manipulant différents outils (loupes, ou encore un cadre avec du papier-calque), cela leur a permis de comprendre très concrètement des notions fondamentales de la photographie comme la distance focale, la profondeur de champs ou la netteté.”

Les sténopés :

“Chaque enfant a fabriqué son sténopé à partir de boites métalliques récupérées chez eux (boîte à thé ou à café). L’idée était que chacun puisse réaliser entièrement un appareil photo pour saisir de manière très pratique par où passait la lumière… Pour leur faire comprendre le rapport entre le diamètre du trou (l’ouverture) et le temps d’exposition, nous leurs avons fait utiliser des cellules photosensibles. Après avoir calculer le temps de pose nécessaire à l’impression des images, nous avons joué avec ces durées en cherchant à savoir par exemple, ce que nous pouvions faire pendant un temps de pose de 10 minutes. Des enfants se sont alors amusés à se déplacer, à entrer et sortir de l’image alors que d’autres restaient immobiles. Les images obtenues les ont plutôt surpris : certaines personnes apparaissaient avec des contours très nets, d’autres étaient un peu comme des fantômes…”

Les Cyanotypes :

“Comment garde-t-on une trace de l’image une fois qu’elle a été capturée ?
Avant de manipuler du vrai papier photo, nous nous sommes amusés avec un procédé artisanal qui a marqué le début de la photo : le cyanotype.
Nous avons travaillé à partir de gélatines que je fabrique moi-même. Nous avons utilisé du papier Canson sur lequel nous avons déposé de la gélatine. Une fois la gélatine sèche, nous l’avons exposée au soleil en la recouvrant d’objets de récupération. Nous avons laissé les objets insolés pendant 10 minutes, puis nous avons rincé tout ça à l’eau. Les résultats sont des images monochromes grands formats.”

Photomontages

“J’ai demandé aux enfants de ramener des photos d’identité de leur famille et d’eux-mêmes,
on a photocopié les photos qu’ils ont découpé en deux parties chacune. Puis ils ont assemblé une partie de leur portrait avec une partie d’un portrait de leur mère, de leur père ou de leur sœur. Cela a donné des portrais un peu décalés, certains retrouvaient des ressemblances familiales et d’autres pas du tout, c’était assez drôle … ”

Rayogrammes :

“Les enfants ont continué à travailler sur l’idée du portrait en expérimentant la technique du rayogramme de Man ray, dans un laboratoire noir et blanc.
Ils insolaient directement leur visage sur du papier photo placé sous un agrandisseur puis développaient les photos dans les trois bacs (révélateur, bain d’arrêt, fixateur).
Les photos montraient leurs profils en ombre chinoise, c’était pour eux un moyen de découvrir une autre façon de se regarder …
Quelques-uns ont expérimenté cette technique avec 3 feuilles de papier qui, une fois assemblées, donnaient des portraits grand formats assez oniriques…
A la fin de la séance, nous avons pris un moment pour discuter des histoires que l’on pouvait raconter à partir de ces images.”

Mise en scène :

“Nous avons découvert dans les loges de l‘atelier de théâtre de la MJC, un carton de masques en caoutchouc, les gamins ont commencé à s’amuser avec les masques, cela nous a donné l’idée de faire une mise en scène.
Nous sommes alors allés dans un parc près de la MJC, les enfants ont pris des poses de statut en se positionnant à des endroits stratégiques. Nous avons fait une série de photos en plans larges.
Cela a donné des photos de paysages où apparaissaient de drôles de personnages mi-humain mi-statut, figés dans le décor, avec des énormes têtes et des petits corps. C’était à la limite du dérangeant…. J’en ai profité pour leur montrer des livres de photographes contemporains, des mises en scène dans la nature, des usines, ou des lieux assez décalés (les autoportraits de Claude Cahun 1947, Ralph Eugene Meatyard 1962, portraits avec masques de Saul Steinberg par Inge Morath 1961 et photo avec masques de Jacques Henri Lartigue 1903). ”

“Ils ont aussi réalisé des photos-montages à partir de paysages et photos glanées dans les magazines.”

La restitution de l’atelier :

“Nous avons pris une journée pour penser avec les enfants l’installation des images. Quelles images plaçait–t-on les unes à côté des autres, comment amenait-t-on le spectateur à suivre un parcours avec une logique …
C’était pour eux, une vraie initiation à la démarche d’un artiste quand il expose son travail.
Chaque enfant avait un pan de mur où il choisissait l’agencement des images qu’il avait réalisé. Le spectateur pouvait découvrir des univers différents, pourtant faits à partir de mêmes travaux.
Au cours de l’installation, ils ont créé des petits objets, sorte de petits secrets, emballés dans des petits bouts de papiers, qu’ils ont collé sur certaines images exposées. C’était une façon de se questionner sur le portrait photographique, sur ce que l’on a envie de donner à voir et ce que l’on veut garder pour soi…

Un atelier de 5 jours, à temps plein, permet une vraie immersion des enfants. Tous se sont complètement investis, ça a vraiment été une belle expérience.
L’intérêt de leur faire découvrir des techniques simples de façon ludique, qu’ils se sont rapidement appropriés, permet de les amener plus directement dans l’élaboration, l’expérimentation de l’image.
D’ailleurs, j’ai rapidement senti que quelque chose s’était passé dans leur perception, au cours des déjeuners que nous prenions ensemble, ils ont commencé à me parler des images de leur quotidien, photos de famille et image de publicité etc, comme s’ils avaient pris conscience de quelque chose…. ”