2013 — ATELIER CINÉMA À L’HÔPITAL DE JOUR HENRI COLLOMB

Cette année, nous avons décidé de créer un récit filmique visuel et sonore inspiré de contes existants, ancré dans la ville moderne.

  • Dates : janvier à juin 2013
  • Durée : 45 heures
  • Séances : plusieurs séances de 2 à 6h
  • Lieu : Marseille
  • Intervenante artistique : Sarah Ouazzani
  • Public : neuf personnes de Hôpital de jour Henri Colomb (accompagnants et stagiaires compris)
  • Diffusion: Théâtre de l’Astronef

Une première étape d’écriture s’est déroulée au sein de l’hôpital de jour Henri Colomb. Tous les participants du précédent atelier (voir atelier cinéma 2012) ont participé à nouveau au projet. Lors de la première séance, deux personnes nouvelles ont intégrer l’atelier, mais elles n’ont pas continué. Ceux qui avaient déjà fait un film l’an dernier m’ont tous dit qu’ils avaient très peur de ne pas avoir de nouvelles idées cette année.

Nous avons commencé par faire un tour de table des désirs de chacun. Nous avons défini des lieux de tournage : Parc Longchamps, Train. L’idée de voyage devrait être présente dans le film.

Des mots ont surgi : Marcher- Courir- Rattraper le temps perdu- Courir dans le vent- Parcourir de ville en ville. Des envies de comédie musicale, aussi. Jean-Michel, « le nouveau », nous a orienté vers l’idée de récit fantastique, de conte. Nous avons décidé de suivre cette piste et de créer un récit inspiré de contes existants, ancré dans la ville moderne. La base des contes était assez rassurante pour permettre aux imaginaires de se délier et la séance a été très riche en parole et très enthousiaste.

Le récit s’est construit peu à peu au fil des séances suivantes. Nous nous sommes orientés vers une écriture visuelle, sans dialogue. Nous avons décidé que les dialogues seraient improvisés au moment du tournage et que l’essentiel du récit passerait par les gestes, les déplacements, les actions.

Nous avons à deux reprises en fin de séance regardé des extraits de films en lien avec notre propos : Dieu seul sait de Jean-Daniel Pollet pour nous intéresser à la façon de filmer des objets, et des courts métrages d’Ahmed Zir, pour nous sensibiliser à un récit visuel et symbolique. Ces visionnages nous ont permis de penser à la réalisation en même temps qu’au récit.

Les participants, grâce au film de l’an dernier avaient déjà été sensibilisés à une approche poétique du cinéma, à un travail sur la sensation et le symbolique. Ils ont donc avancé en toute confiance vers une forme ouverte, où chacun peut lire le film à sa façon et se l’approprier.

L’écriture a été également très facilitée par les liens qui se sont créés entre les participants l’an dernier jusqu’à former un groupe uni par la création collective, avec beaucoup d’écoute, de compréhension, d’échanges, de patience, et d’affection, un groupe plus autonome qui construisait en dehors de ma présence.

Le tournage :

L’approche du tournage a été progressive. Nous avons commencé par tourner des séquences au sein de l’hôpital de jour Henri Colomb afin de nous réapproprier le matériel de tournage.

Une première séance de tournage a été consacrée à filmer l’introduction progressive d’un poisson rouge dans un bocal. Chacun a choisi un lieu dans le jardin où il voulait filmer, chacun a filmé à tour de rôle caméra à l’épaule. _ Le fait de filmer caméra à l’épaule est très important pour moi dans le sens où ceci permet une approche plus subjective, et à chacun de prendre confiance en lui (ne pas faire trembler la caméra).

Puis des sons ont été enregistrés : des mots chantés par chaque participant à partir d’un poème proposé par Ramon.

En dehors de ma présence, les participants ont été conviés à fabriquer les costumes et accessoires utiles lors du tournage : faux-jeu de cartes, fausse carte, masque, … Ils me présentaient lors de ma venue l’avancée de leurs travaux et nous discutions des orientations à y donner.

Une fois les costumes prêts, nous avons tourné une autre séquence dans l’enceinte d’Henri Colomb, puis au Parc Longchamps, pour finir avec une séquence dans le train que nous souhaitions garder pour la fin du tournage dans la mesure où elle présentait plus de difficultés.

Comme l’an dernier, les cadreurs étaient invités en plus des scènes prévues dans notre scénario, à filmer librement l’environnement dans lequel nous nous installions. J’ai tenu à utiliser le scénario comme un canevas où chacun puisse se sentir libre d’improviser tant avec l’image qu’avec le jeu d’acteur. Les plus à l’aise avec le langage pouvaient improviser leurs textes, ceux plus à l’aise avec le langage corporel exprimaient davantage leur personnage par le geste.

Une bande son originale

Cette année, la musique a pris davantage de place dans notre création collective. Une fois le film monté, les participants ont été invité à improviser librement sur le film muet avec différents instruments de leur choix : synthétiseur, guitare, percussions, voix.

J’ai gardé au montage, les moments qui me semblaient le mieux fonctionner. Une séance de jeux d’improvisations libres avait eu lieu au préalable afin de préparer l’enregistrement final. Tout le monde a été agréablement surpris par le rendu final.

Le montage :

Nous avons visionné ensemble tous les rushs filmés et choisi les séquences qui nous intéressaient. Les participants étaient très heureux de découvrir les images qu’ils trouvaient très belles et se rendaient compte de tout le travail qu’ils avaient dû faire pour arriver à ce résultat.

J’ai monté le film seule (car nous n’avions pas assez de temps d’atelier pour pouvoir faire le montage tous ensemble), avant de leur soumettre le film final. Les participants étaient très contents du résultat, ils avaient peur de ne pas être aussi satisfaits que l’an dernier et finalement, certains ont dit préférer le film de cette année. Chacun donnait son interprétation du film, parlait de ses progrès personnels, de ceux des autres… Nous avons choisi le titre du film ensemble : Reflet.

Le bilan :

J’ai pu prendre conscience cette année de tout ce que les participants ont intégré l’année dernière : avoir un réel regard sur le scénario et la réalisation : écriture collective, caméra subjective, jeu d’acteur…, afin de créer un objet cinématographique. J’ai également pris conscience de la confiance que les infirmiers et les « patients » m’accordaient.

J’ai retrouvé un groupe uni, plus autonome (qui écrivait et préparait le projet en dehors de ma présence), et très impliqué, avec un vrai regard de cinéaste, des propositions, des idées.

L’enjeu pour moi cette année, était de proposer un approfondissement du travail effectué l’an dernier, de ne pas me répéter, de surprendre le groupe et de l’emmener vers encore plus d’autonomie et de confiance en lui.

Une première projection a eu lieu au théâtre de l’Astronef, les participants étaient très heureux de pouvoir montrer leur film, même si certains auraient souhaité avoir davantage de temps de parole pour expliquer leur film. Leur désir de parole est pour moi significatif dans le sens où il manifeste une réelle appropriation du film. Le film leur appartient et ils en parlent très bien, chacun avec son regard propre de réalisateur. Il me semble important que le film sorte de l’hôpital, c’est pourquoi, nous souhaitons montrer cette année encore notre film lors de la semaine asymétrique au Polygone étoilé et le proposer à des festivals.

J’ai eu un très grand plaisir à accompagner pour la seconde fois, cet atelier très riche humainement et espère pouvoir retrouver les mêmes participants (et peut-être d’autres) cette année afin de poursuivre ce travail pour la dernière fois en 2014. Un travail sur un cycle de trois ans, me paraît important dans le sens où il permet de consolider une démarche, une confiance mutuelle. Il est également important que les cycles se renouvellent. Chaque réalisateur apporte sa vision du cinéma au groupe dans lequel chacun développe peu à peu son propre regard.