Noémie Dumas, cinéma Six n’étoile : « Pour ces jeunes, le cinéma est encore quelque chose qui intéresse, fascine, fait du lien collectivement ! »

© Caroline Gonzales
© Caroline Gonzales

Sur initiative de Cannes Cinéma, le cinéma Six n’étoiles de Six-Fours a accepté d’accueillir le dispositif Ambassadeurs jeunes du cinéma. Ainsi, en 2024-2025, 5 jeunes ont organisé 6 événements : projections, mais aussi quiz, ciné-karaokés, ciné-débats, etc.

Noémie Dumas, directrice du cinéma et très impliquée auprès du public des 15-25 ans, revient sur cette première année d’expérimentation.

Pourquoi avez-vous accepté d’accueillir ce dispositif ?

Nous travaillons autour du public 15-25 ans depuis plusieurs années. Dès les premières incitations du CNC, nous avions obtenu une subvention du fonds Jeunes Cinéphiles, ainsi que le Label 15-25 sur nos animations. L’année dernière, nous avons aussi embauché une animatrice. Je pense que c’est dans ce cadre là que Cannes Cinéma, qui coordonne le dispositif Ambassadeurs jeunes du cinéma dans le Var, a considéré que nous étions un bon relai.

De notre côté, nous n’avions aucune raison de ne pas accepter : non seulement c’est un public qui nous intéresse et sur lequel nous avions déjà mis des moyens, mais c’était aussi l’occasion de se saisir du sujet sans être seuls : nous avons travaillé en lien étroit avec Cannes Cinéma.

Votre salle est-elle fréquentée par les jeunes ?

Oui et non. Nous sommes une ville de 30 000 habitants, dans le bassin de l’ère toulonnaise. La population est dense et nous avons du jeune public : des écoles, des collèges, des lycées. Mais pour les plus grands, c’est plus compliqué : géographiquement, le campus universitaire est loin de Six-Fours. Il y a une problématique de temps et de transport. Ils peuvent venir sur des événements ponctuels, mais pour une pratique et un usage régulier de la salle, c’est différent.

Dans ce cadre, notre stratégie est de s’appuyer sur les établissements scolaires ou sur des moments institutionnalisés pour provoquer une fréquentation hors cadre scolaire ou universitaire. Le principe des ambassadeurs nous a paru intéressant car il va même au-delà : il va chercher des jeunes de tous univers, pas forcément scolarisés – ça peut être des jeunes actifs par exemple – qui se réunissent autour de la thématique cinéma.

Comment avez-vous recruté les jeunes ?

Nous avons lancé une campagne de recrutement en fin d’année scolaire 2023-2024. Nous avons fait passer l’information sur nos réseaux sociaux (en mobilisant aussi certains partenaires comme la ville de Six-Fours) et auprès de nos partenaires : enseignants mais aussi documentalistes, qui ont des relations un peu plus informelles avec les élèves, Mission locale, Unis-cité. Cannes Cinéma l’a aussi relayé dans ses réseaux. Nous avons ainsi mobilisé 4 ou 5 jeunes.

Quel était leur profil ?

Il y avait des étudiants, ou des jeunes en transition professionnelle – en recherche d’emploi, ou qui lançaient leur propre activité.

D’après vous, que cherchaient-ils en s’impliquant dans le dispositif ?

Je crois qu’ils étaient animés par la curiosité et l’envie d’organiser des événements. Quelques-uns cherchaient à travailler dans le monde de la culture ou de l’événementiel, mais globalement, l’aspect professionnel n’était pas leur motivation principale : c’était plutôt une envie de participer, de monter des événements, de s’amuser. Pour ces jeunes, le cinéma est encore quelque chose qui intéresse, fascine, fait du lien collectivement !

Concrètement, qu’ont-ils fait durant cette année ?

En début d’année, nous leur avons expliqué que les événements devaient émaner au maximum d’eux. Du coup, une thématique qui est revenue est la thématique des Anime, du manga. Ils étaient aussi motivés pour organiser des séances autour de films cultes, des ciné-débats, des ciné-karaoké, des quiz. Globalement, ils sont allés au bout de leurs envies.

Ils avaient aussi une volonté de rencontrer des professionnels du cinéma… Nous avons donc organisé une rencontre avec le monteur du film « Amélie et la métaphysique des tubes », Ludovic Versace.


Quiz organisé par les Ambassadeurs à Six-Fours © Six N'étoiles
Quiz organisé par les Ambassadeurs à Six-Fours © Six N'étoiles

Les soirées organisées par les Ambassadeurs jeunes du cinéma à Six-Fours en 2024-2025

  • 31 octobre 2024 (soirée) : soirée Tim Burton, avec Les noces funèbres, Dark Shadows, Beetlejuice
  • 27 novembre 2024 : rencontre avec l’équipe marseillaise du film Ça arrive de Sabrina Nouchi
  • 12 avril 2025 (matin) : Quiz autour du film Minecraft
  • 17 juin 2025 (soirée) : Ciné-karaoké autour du film Partir un jour
  • 29 juin 2025 (matin) : Quiz autour du film Dragons 4
  • 05 juillet 2025 (soirée) : Amélie et la métaphysique des tubes en présence du monteur Ludovic Versace

Pour programmer ces soirées, ont-ils fait des pré-visionnements ?

Parfois, mais pas toujours. Quand ils devaient animer une rencontre autour d’un film, nous essayions d’organiser des pré-visionnements, les inviter à des avant-premières, ou tout simplement les orienter sur les films à voir. Dans d’autres cas, ils connaissent déjà les films, ou au moins l’univers – comme dans le cas de Minecraft.

Avez-vous été surpris par certains de leurs choix de programmation ?

Il y a des choses auxquelles je m’attendais, par exemple le fait qu’ils aillent vers les thématiques horreur, manga. Mais cette tranche d’âge peut aussi étonner ! Je me souviens par exemple d’une fois, sur un autre dispositif qu’ambassadeurs, où nous avions proposé à des 15-25 de programmer une séance. Ils avaient absolument voulu faire un ciné-débat autour de Pauvre Créature de Yorgos Lanthimos. Ils m’avaient bluffée ! Ils n’ont pas encore de filtre, et notamment la peur du programmateur sur les retours du public : ils sont très courageux, et je trouve ça très agréable de se laisser surprendre !

De mon côté, j’essaie de les amener à l’Art et Essai, mais j’autorise aussi d’aller vers du mainstream. Je fais un pas vers eux, et je suis surprise par le suivant… Je pense que c’est très important de rester ouvert à leurs propositions !

Avez-vous mis en place des tarifs spéciaux pour les Ambassadeurs ?

Les ambassadeurs en particulier, non, mais nous avons un tarif 15-25 sur certains événements ou films (5,60€ au lieu de 7,40€), dont ils bénéficient.

Comment se sont répartis les rôles, en termes de programmation, de communication ?

Notre objectif cette année était surtout qu’ils soient partie prenante de l’animation : accueillir le public, présenter le film, animer l’événement. Sur cette partie-là, ils sont devenus très autonomes. De notre côté, nous souhaitions qu’ils nous apprennent des choses sur la communication. Je pense que ce partenariat de communication est intéressant, essayer de voir avec eux comment on peut aller chercher leurs pairs, mobiliser leurs amis.

Ainsi, nous les incitions à communiquer sur leurs réseaux sociaux, via leur établissement scolaire, ou même à en parler à leurs amis, pour bénéficier du bouche-à-oreille.

Est-ce que la répartition des tâches a été une difficulté ?

Pas vraiment. Nous travaillions avec un groupe Whatsapp, par le biais duquel nous faisions des sondages pour caler les réunions, répartir les missions. Dès le début, nous les avions mis à l’aise, en leur laissant le choix de se mobiliser ou pas sur les événements : mais que s’ils le faisaient, il fallait être là. Ça a fonctionné : chacun a joué le jeu. Néanmoins, je pense que cette organisation via Whatsapp et assez informelle fonctionnait aussi car nous étions un petit groupe !

Avez-vous noué des partenariats avec d’autres structures ?

Pas vraiment… Mais nous essayons de relayer les informations à auprès des établissements scolaires proches ou qui ont des filières liées au cinéma. Par exemple : l’école des Beaux-Arts, l’école de la Croix-Rouge et sa filière carrière sociale (nous passons beaucoup de films sur des thématiques sociales), le lycée professionnel La Coudoulière, les classes cinéma de la Seyne-sur-Mer, etc.

Constatez-vous une augmentation de la fréquentation de votre salle par les jeunes ?

Sur les événements organisés par les Ambassadeurs, ça peut être très variable. Je ne peux pas comparer l’avant-première de Minecraft avec la rencontre avec le monteur… Mais c’est normal, il me semble.

Pour ce qui concerne la fréquentation de la salle par les jeunes en général, il est difficile de tirer des conclusions après seulement un an. Néanmoins, nous avons toutes ces actions en faveur des 15-25 ans – les ambassadeurs, les tarifs, les animations… – , car nous pensons que ça peut fonctionner et fidéliser un nouveau public. J’y crois !

Allez-vous faire évoluer la mise en œuvre du dispositif Ambassadeurs ?

Globalement, tout a bien fonctionné. Je pense que nous allons peut être développer l’aspect création : ils sont plusieurs à faire de la vidéo, des petits courts-métrages… Et je pense que les aider à développer ça peut avoir une vraie plus-value : pour la communication des séances mais aussi pour eux, pour leur implication.

Je pense également que nous allons agrandir le groupe. Au départ, nous avons qsouhaité qu’il soit petit pour que tout le monde se sente investi, ait une vraie mission et un vrai rôle… Et que nous puissions les encadrer avec notre petite équipe. Mais dans les faits, avec les contraintes de chacun, avec un groupe de 4-5, on se retrouve souvent à 2 ou 3… Je pense donc qu’un groupe de 10-12 est bien, pour pouvoir les mobiliser par groupe sur certaines missions.

Nous pensons aussi essayer d’impliquer quelques lycéens, mais aussi mobiliser plus localement, autour du cinéma, pour éviter des problématiques de transport.

Mais ce sont des idées : ça reste une expérimentation, donc on continue, on regarde, et on attend de voir comment ça se passe !


Autres témoignages autour du dispositif Ambassadeurs jeunes du cinéma