Maéva Ngabou, médiatrice au cinéma Les Variétés : « Pour bien accueillir le dispositif, il faut rester souple »

Maeva Ngabou, ancienne médiatrice du cinéma Les Variétés à Marseille [elle a quitté l’équipe depuis notre entretien], a acceuilli, organisé et suivi le dispositif durant la première année d’expérimentation.

Elle raconte la manière dont elle a travaillé avec les étudiantes et les partenaires, les soirées organisées… Et en fait un premier bilan très positif.

LE PÔLE : Pourquoi Les Variétés a souhaité s’associer au dispositif Étudiant.es au cinéma ?

MAÉVA NGABOU : Cette proposition faite par Écrans du Sud (voir l’interview de Céline Berthod) a coïncidé avec plusieurs choses : la création du poste de médiateur au cinéma des Variétés, l’impulsion du CNC de créer un fonds Jeunes Cinéphiles et donc de s’intéresser particulièrement aux 15-25 ans… Et de mon côté, je suis aussi dans le comité 15-25 de l’Association française des cinémas d’Art et Essai (AFCAE). Ce dispositif était donc tout à fait cohérent avec notre volonté de fidéliser les jeunes… Et il nous paraissait intéressant de réfléchir à la question avec eux.

Concrètement, en quoi a consisté le dispositif ?

L’objectif du dispositif est d’inviter un groupe de jeunes à organiser des événements dans le cinéma. Pour ça, nous avons commencé par venir le présenter à l’IUT, afin de comprendre les habitudes cinématographiques des jeunes, et d’expliquer nos attentes. Celles et ceux qui le souhaitaient pouvaient ensuite rejoindre le projet.

Une fois un groupe de 10 étudiantes constitué, nous nous sommes vues toutes les trois semaines environ, au cinéma ou à l’IUT. À chaque fois, nous proposions une programmation : rencontres avec des professionnels (présentation des métiers du cinéma, communication autour du cinéma, critique de cinéma), formation prise de parole, ou prévisionnements. Entre chaque rencontre, nous avions un groupe Whatsapp qui nous permettait de communiquer.

Entre septembre et mars, les étudiantes ont ainsi organisé quatre événements : La Nuit de l’Anim, une soirée dédiée au film Diamant Brut de Agathe Riedinger, une soirée dans le cadre du festival Recall avec la projection du Tombeau des lucioles d’Isao Takahata, et un après-midi dans le cadre du festival national Étudiant.es au cinéma. Lors de ces événements, les étudiants de l’AMU avaient des tarifs préférentiels.

De quelle manière les as-tu impliquées dans la programmation ?

Ces étudiantes sont dans des études prenantes, avec beaucoup de cours : nous ne pouvions pas systématiquement voir plusieurs films pour programmer les soirées. Alors quand ce n’était pas possible, je leur proposais des bande-annonces de films que j’avais préselectionnés, et leurs avis me permettait de décider.

Concrètement, par exemple pour programmer La Nuit de l’Anim, nous avons vu des bande-annonces de plusieurs films d’animation, et leur avis a orienté mon choix. Pour la deuxième soirée, elles ont vu Diamant Brut et Les Reines du drame (deux films que nous avions ciblés dans le cadre du comité 15-25 de l’AFCAE), et ont sélectionné Diamant Brut. Pour le festival Étudiant.es au cinéma, pour des raisons liées aux distributeurs, elles ont choisi les films sur bande-annonces mais les ont néanmoins vus quelques jours avant le festival. Pour résumer : j’adaptais ma proposition au temps qu’elles avaient et à la disponibilité des films, avec toujours l’objectif de leur apprendre à créer un événement dans une salle de cinéma.

Comment s’est articulée la collaboration entre toi, les étudiantes et leur professeure ?

Leur professeure Marianne Mayrand (voir son interview) les aide à s’organiser, à définir les tâches à faire. Moi, je leur montre comment fonctionne un cinéma : les distributeurs, la venue d’invités.. Par exemple, pour Diamant brut, je les ai mises en copie de mes échanges avec le distributeur, afin qu’elles puissent voir comment ça se passe. Pour l’animation de la séance, je les accompagne : je les conseille sur la manière dont on pose des questions, je leur propose des outils…

Mais globalement, ce sont elles qui décident et font : la programmation, la billetterie, l’animation de la séance… Et ça marche car le groupe est très autonome, volontaire, dynamique.

Et côté communication, comment fonctionnez-vous ?

Là encore, on discute de la communication mais ce sont elles qui définissent une stratégie. Elles se servent de leur compte Instagram (voir l’interview d’Alicia, l’une des étudiantes impliquées), elles créent du contenu, elles font de l’affichage… Elles peuvent aussi s’appuyer sur la communication du cinéma : nous pouvons proposer des visuels, relayer des contenus sur les réseaux sociaux, etc.

Quelle a été la fréquentation des différents événements organisés ?

Globalement, c’était plutôt bien : pas de salle comble, mais pas de salle vide ! Pour La Nuit de l’Anim, il y a eu 66 personnes, dont 7 étudiants qui bénéficiaient du tarif spécial de l’AMU. Pour Diamant Brut, en présence des actrices, nous avions 140 personnes – dont 80 jeunes. Pour Le Tombeau des lucioles, dans le cadre du festival Recall, 90 personnes étaient présentes, dont 35 jeunes.

Comment a été intégrée la participation financière de l’AMU ?

Aix-Marseille Université (AMU) a financé des carnets de tickets pour les étudiantes, afin qu’elles puissent venir sur leur temps personnel. Elle a également co-financé les billets étudiants ; c’est ainsi qu’on a pu proposer des billets à 1 euro pour les étudiants AMU sur la plupart des séances.

Est-ce qu’après cette année, tu as observé des impacts sur la fréquentation du cinéma par un public jeune ?

C’est difficile à dire ! Je pense que les impacts éventuels s’observent sur la durée… Par contre, ce que je peux dire, c’est que nous avons observé une vraie envie des jeunes de venir voir ces films pas forcément connus, dans lesquels il n’y a pas d’acteurs connus. Je pense que le tarif est aussi un vrai facteur d’attractivité.

As-tu expérimenté des difficultés particulières durant cette expérimentation ?

Je pense que la principale difficulté est le temps. Les étudiantes ont beaucoup de cours, et plusieurs travaillent les soirs ou les weekends ; il a donc été difficile de trouver des moments où nous étions tous disponibles. C’est pour cette raison que nous avons fait peu de prévisionnements, et cela nous a aussi posé quelques problèmes en matière de communication – car les séances n’étaient pas toujours organisées très en avance !

Néanmoins, cette difficulté a été en partie absorbée par l’implication de la professeure référente, qui a toujours tout fait pour organiser les planning et suivre ses étudiantes. Je pense qu’avoir une personne relai impliquée est essentiel pour la réussite du dispositif.

Les étudiantes ont souligné qu’elles avaient trouvé difficile d’être dix personnes dans le groupe… Qu’en penses-tu ?

Si elles avaient été cinq, les événements auraient été moins riches et moins intenses : je ne pense pas qu’il faille réduire le groupe. Finalement, la difficulté – légitime – qu’elles ont eu à se mettre d’accord leur a aussi appris à faire des groupes de travail. Et apprendre à fonctionner en collectif, ça me parait très bien !

Est-ce que le fait que le cinéma soit éloigné de leur lieu d’études a été un obstacle ?

Oui et non ! Elles font leurs études à Saint-Jérôme, mais vivent aux quatre coins de Marseille. Ainsi, quel que soit l’emplacement du cinéma, les problématiques liées au transport, notamment de nuit, auraient été les mêmes.

Par contre, cette problématique a influé sur l’horaire des séances que nous organisions : elles étaient assez tôt, afin qu’elles puissent prendre le dernier métro, à 21h30.

À la lumière de cette année, as-tu un conseil à donner, ou un enseignement que tu retiens ?

J’ai tiré beaucoup de points positifs et d’enseignements de cette année ! Mais si je devais donner un conseil, je dirais qu’en tant que cinéma, la condition sine qua non pour bien acceuillir le dispositif, c’est la souplesse : il faut être prêt à s’adapter tout le temps, à passer par les mails, puis par WhatsApp, à prendre en compte leurs emplois du temps… En somme : ne pas être dans quelque chose de protocolaire !


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