Jonathan Eyraud, cinémas Le Méjean : « Le mélange des publics est particulièrement intéressant »

Au Cinémas Le Méjean – Actes Sud, à Arles, une trentaine de lycéens composent le groupe des Ambassadeurs. En 2024-2025, ils ont organisé 4 soirées, dont plusieurs en lien avec d’autres événements. 

Jonathan Eyraud s’occupe de la programmation pour le jeune public, les 15-25 et les scolaires au Méjean. Dans ce cadre, il est chargé de coordonner et d’animer le dispositif Ambassadeurs jeunes du cinéma du CNC. Il raconte cette année d’expérimentation.

Pourquoi le cinémas Le Méjan a-t-il décidé d’accueuillir ce dispositif ?

Chez nous, ce ciné-club existe depuis quatre ans. Comme dans beaucoup de cinémas, notre enjeu était de faire venir des adolescents et des jeunes adultes en dehors des séances scolaires… D’où cette volonté d’inviter des lycéens à organiser des événements à destination des autres lycéens.
 

Justement, votre particularité est de viser les lycéens uniquement. Pourquoi ?

Il y a peu d’étudiants à Arles. Et les quelques-uns qu’il y a – ceux de l’École du film d’Animation et de l’image de synthèse (MoPA) et ceux de l’École nationale supérieure de la photographie -, nous les touchons par d’autres moyens. C’est pourquoi nous centrons ce dispositif sur les lycéens.

Concrètement, qu’est-ce que c’est, être Ambassadeur jeune du cinéma à Arles ? Qu’est ce que vous leur proposez ?

L’objectif est d’organiser des événements une fois tous les mois ou tous les deux mois.

Pour ça, nous nous réunissons une à deux fois par mois, souvent le samedi matin, pour voir des films. Ces séances nous permettent d’en choisir un à projeter lors d’une soirée. Dans certains cas, les Ambassadeurs choisissent les films sur bande-annonce, par exemple quand nous programmons une séance dans le cadre d’autres événements. Il nous arrive aussi de les emmener à des évémenents – par exemple aux Rencontres du sud, où ils rencontrent des professionnels.

D’après toi, qu’est-ce qui les intéresse dans ce rôle d’ambassadeur?

Quelques uns veulent travailler dans la culture et le cinéma, mais ce sont avant tout des cinéphiles : c’est leur principale motivation.

Comment se passe l’organisation d’une soirée ? Quel est ton rôle, et le leur ?

Pour l’instant, ils programment et présentent les films lors des soirées.

Jusqu’à maintenant, je les laissais totalement libres d’imaginer des choses autour de la séance, mais c’est quelque chose que je vais faire évoluer, car ils sont encore un peu jeunes : quand ils sont libres, ou ils voient trop grand et abandonnent, ou ils ne savent pas quoi faire… Et à la fin, ils se contentent de présenter le film. Ils le font très bien, mais j’aimerais les pousser à aller vers quelque chose dont ils seraient fiers, une animation un peu améliorée. Je pense par exemple à des quizz, ou à d’autres idées qu’ils ont eues, comme organiser un jeu de piste dans la ville avant la séance.

Est-ce que les jeunes s’occupent de la communication ?

Mon objectif était effectivement qu’ils s’en occupent. Mais là encore, s’ils ne sont pas guidés, ils ont plein d’idées mais ne les mettent pas en place.

Je pense que, de mon côté, il faut aussi que je trouver un équilibre entre leur liberté et leur créativité, et nos exigences en tant que structure culturelle. Par exemple, ils ont fait un visuel pour l’une des soirées, mais celui-ci ne rentrait pas dans notre charte graphique. Je les ai laissés l’utiliser, mais à l’avenir, un de mes objectifs est de mettre en place des outils pour eux : un canevas d’affiche, un visuel ambassadeurs.

Combien de lycéens sont impliqués et comment les as-tu recrutés ?

J’ai fait le tour des lycées. Je leur ai aussi donné des affiches pour les classes, et il y a eu de la communication au sein du cinéma.

Ça m’a permis d’en recruter une trentaine. Mais tous ne sont pas réguliers : ils sont libres de venir, ou pas. L’avantage, c’est qu’ils ne sont pas contraints et que s’ils sont là, c’est qu’ils en ont vraiment envie. Mais l’inconvénient, c’est qu’ils ne sont pas toujours là, et cela empêche de faire certaines choses. Par exemple, ils avaient pensé à une campagne Instagram pour l’une de leurs séances : c’était une super idée, mais personne ne s’en est occupé…

As-tu des pistes pour mieux les impliquer ?

J’envisage pour l’année 2025-2026 d’établir un nombre maximum de lycéens, que je verrai plus régulièrement. J’envisage aussi de ne pas faire qu’organiser des séances, mais chercher d’autres manières de les investir dans la vie du cinéma, comme en réalisant un podcast.

Mon but est aussi d’établir un planning à l’année : petit à petit, je souhaite que ça devienne régulier, qu’on vienne au cinéma comme on va au hockey ou à la danse. Nous pourrions ainsi mieux nous organiser, que le projet soit plus construit.

L’idée générale est de les diriger un peu plus. Je pense que c’est nécessaire car ils sont jeunes. Et je souhaite mieux utiliser leurs compétences : si l’un est musicien, fait de la danse, du théâtre, du dessin… Qu’ils se sentent libres de proposer quelque chose en lien avec les séances organisées. Mais là encore, il faut qu’ils soient motivés, je ne veux pas les forcer. Le tout, c’est que cet investissement dans le cinéma les rende fiers et qu’ils disent à leurs amis de venir !

En dehors du dispositif, peuvent-ils venir au cinéma gratuitement ?

Quand ils organisent une séance, ceux qui présentent le film et animent la séance ne payent pas ; pour les autres, il y a le tarif ambassadeurs à 4 euros. Ce tarif, ils en bénéficient aussi régulièrement sur d’autres événements que nous leur proposons. Mais nous ne faisons pas de gartuité.

Le transport est-il une difficulté pour eux ?

Pas vraiment. Effectivement, leur âge fait que certains parents ne veulent pas qu’ils soient là durant certaines soirées ambassadeurs… Mais je pense que ce sera plus facile si nous mettons en place une inscription et une régularité.

As-tu mis en place des partenariats spécifiques autour de ce dispositif ?

Non : nous avons des partenariats avec des commerces locaux, mais ce sont les mêmes que sur nos autres événements.

Observes-tu une augmentation de la fréquentation de la salle par les jeunes depuis le démarrage du dispositif ?

Nous n’avons pas d’études à ce sujet, mais je trouve qu’il y a beaucoup de jeunes dans notre salle… Et parfois sur des films étonnants : par exemple, nous avions programmé Nosferatu, et les jeunes ont répondu présent.

Il y a aussi des interactions entre les groupes d’étudiants et les ambassadeurs jeunes. Par exemple, nous avons fait une projection des films d’école des étudiants, et les Ambassadeurs ont participé. Inversemment, sur les séances Ambassadeur, on retrouve ces étudiants, mais aussi des adolescents, nos spectateurs habituels…

En somme, les publics se mélangent ; et je trouve ce mélange des publics particulièrement intéressant !


Les films vus par les Ambassadeurs jeunes du cinémas Le Méjean, en 2024-2025

  • I Feel Fine de Austin Spicer, Hailey Spicer
  • Bird d’Andrea Arnold
  • Ollie d’Antoine Besse
  • Ce n’est qu’un au revoir de Guillaume Brac
  • Le Mélange des Genres de Michel Leclerc
  • Marco, l’énigme d’une vie de Jon Garaño et Aitor Arregi
  • L’Amour c’est surcôté de Mourad Winter
  • Les Musiciens de Grégory Magne

4 soirées organisées en 2024-2025

  • The Lighthouse de Robert Eggers
  • I feel fine de Austin Spicer, Hailey Spicer
  • Nope, de Jordan Peele dans le cadre festival Les Mycéliades, qu’ils ont choisi sur résumé et bande annonce.
  • Ollie d’Antoine Besse